lundi 11 mai 2015

TN Requin dur de réformer l’Education nationale

Dur, dur de réformer l'Education nationale. Depuis plusieurs semaines, Najat Vallaud-Belkacem fait la même expérience que nombre de ses prédécesseurs au ministère de l'Education nationale, celle d'une réforme qu'elle aurait souhaité sans histoire et qui se transforme en grosse galère. Après les rythmes scolaires, imposés tant bien que mal par Vincent Peillon à la rentrée 2013, Najat Vallaud-Belkacem porte à son tour une réforme, celle du collège, prévue pour la rentrée 2016, qui entend pas mal chambouler la vie des adolescents fran?ais de la sixième à la troisième. Et se heurte à une résistance farouche du corps enseignant et de nombreux intellectuels : les uns pleurent la disparition du latin et du grec, les autres hurlent au programme d'histoire idéologique… Pour défendre son projet, Najat Vallaud-Belkacem a un peu tout tenté. La pédagogie. La colère et l'outrance, aussi, comme sur RTL, le 30 avril, où elle a dénoncé les critiques ?des éditorialistes, des polémistes, des pseudo-intellectuels?, coupables, selon elle, de parler d'un projet qu'ils n'auraient pas lu. Dernière stratégie en date : le ?désintox?. En quelques jours, deux TN Requin documents ont été diffusé par le ministère, puis par le site du gouvernement, dans le but avoué de ?rétablir la vérité? sur la réforme du collège. Un exercice de fact-checking… pas toujours très rigoureux. Le premier document, diffusé par les services de la ministre, se veut habile. Visuellement, tout colle : c'est vrai, le latin et le grec ne disparaissent pas, l'allemand n'est pas supprimé, et les nouveaux programmes n'ont pas encore été définitivement adoptés. Mais, au-delà des petits tampons ?faux?, c'est dans le détail des explications que se nichent quelques arrangements avec la ?vérité?. Mais c'est surtout dans le deuxième document, un ?vrai-faux? diffusé sur le site du gouvernement, que se multiplient les approximations et les contre-vérités. Les nombreux opposants à la réforme n'ont pas manqué de pointer ces argumentaires et de diffuser à leur tour des ?désintox du Nike Shox désintox?, pas franchement plus rigoureux. L'occasion, donc, de revenir sur plusieurs points qui font débat. QUID DU LATIN ET DU GREC ? C'est le sujet qui a, le premier, mis la réforme du collège au c?ur du débat public. Très vite, les enseignants de lettres classiques ont dénoncé la mort à venir de ces deux langues antiques. Cela n'a d'ailleurs pas été sans effet : le ministère a laché du lest et aujourd'hui, il est indéniablement faux d'affirmer que la réforme du collège va supprimer l'enseignement du latin et du grec. Au centre de ce débat se trouve l'une des innovations majeures de la réforme prévue pour la rentrée 2016 : les enseignements pratiques interdisciplinaires, résumables au doux acronyme d'?EPI?. Ces nouveaux modules, qui concerneront les élèves de la cinquième à la troisième à raison de trois heures par semaine, ont pour ambition affichée de combattre l'ennui Nike Tuned des élèves en mêlant plusieurs disciplines différentes. Huit thèmes transversaux ont ainsi été définis : par exemple ?sciences et société?, qui réunira mathématiques, physique et histoire, ou encore ?développement durable?. En trois années scolaires, les élèves devront obligatoirement suivre six de ces huit thèmes (à raison de deux par an), dont l'un s'intitule ?langues et culture de l'antiquité?. C'est là qu'arrive l'intox. Car, en dépit de l'intitulé de cet EPI, rien n'indique que l'enseignement du latin et du grec y sera assuré. En effet, les enseignants seront libres de décider le contenu pédagogique de leurs EPI, à condition de le piocher dans la base programmatique définie par le ministère. Or celle-ci, qui doit encore être définitivement validée en juin, n'évoque pas l'enseignement de ces deux langues. Dans les faits, les professeurs latinistes ou hellénistes pourront toujours enseigner des notions de latin et de grec dans cet EPI s'ils le souhaitent, mais cela n'aura rien d'automatique ni d'obligatoire. La phrase ?les langues anciennes sont désormais l'un des choix offerts dans les enseignements pratiques interdisciplinaires, obligatoires pour tous les élèves?, que l'on peut lire dans le désintox ministériel est donc mensongère. Et l'affirmation du vrai-faux du gouvernement, selon laquelle les élèves ?apprendront le latin et le grec dans le cadre du nouvel enseignement pratique interdisciplinaire "langues et cultures de l'Antiquité"?, l'est encore davantage. En revanche, le ministère a décidé de maintenir un ?enseignement complémentaire? du latin et du grec, en sus des horaires normaux de cours ; en clair, une option, comme aujourd'hui. Mais avec un volume horaire réduit d'une heure à chaque niveau (une heure en cinquième, deux heures en quatrième et en troisième), contrairement à ce qu'affirme le vrai-faux gouvernemental. TRAVAILLER SES FONDAMENTAUX La réforme du collège ne s'attaque pas aux fondamentaux, clame le ministère de l'Education nationale. Difficile de trancher cette question sans fin : qu'est-ce que ?s'attaquer aux fondamentaux? ? En revanche, les arguments mis en avant sont fallacieux. ?La réforme maintient l'ensemble des horaires disciplinaires?, est-il écrit dans le désintox ministériel. ?Toutes les matières conservent le même nombre d'heures de cours qu'aujourd'hui?, abonde le vrai-faux gouvernemental. Un argumentaire que semble confirmer le tableau diffusé par le ministère, et qui présente les volumes horaires de chaque matière avant et après la réforme. A première vue, les volumes de chaque matière sont à peu près maintenus. Mais c'est un leurre. Car les horaires ?Collège 2016? de chaque matière incluent en fait les EPI, sans les distinguer. Il suffit pour s'en rendre compte de faire le total de chaque colonne. Pour la classe de quatrième, la somme de la colonne jaune donne 26 : pour arriver au 28 du ?total heures élèves?, il faut ajouter 2 heures d'IDD, les itinéraires de découvertes (des projets interdisciplinaires). La somme de la colonne blanche, celle des horaires du ?Collège 2016?, donne aussi 26. Mais en fait, c'est 22+4 : 22 heures d'enseignement classique des matières fondamentales, auxquelles il convient d'ajouter 3 heures d'EPI et 1 heure d'accompagnement personnalisé. En clair, le ministère répartit dans ce tableau les heures dédiées aux EPI et à l'accompagnement personnalisé dans les différentes disciplines fondamentales pour donner l'impression visuelle que le volume horaire reste le même. De fait, les EPI mêleront ces matières, de même évidemment que l'accompagnement personnalisé. Mais il ne s'agit plus de l'enseignement magistral de chacune de ces matières, stricto sensu. La présentation et l'argumentaire sont donc amplement biaisés. LA QUESTION DE L'ALLEMAND Après les langues anciennes, ce sont les langues vivantes qui se sont inquiétées de leur sort. Les germanistes ont critiqué le sort réservé à l'allemand ; certains ont même affirmé qu'il était supprimé. Sur ce point, difficile de donner tort au gouvernement : alors que l'allemand LV1 sera désormais possible dès le CP, et que la réforme du collège généralise le démarrage de l'apprentissage de la LV2 à la classe de cinquième, difficile de dire que l'apprentissage de la langue de Goethe va dispara?tre. Néanmoins, rien ne permet d'affirmer sans ciller, comme le fait le vrai-faux du gouvernement, qu'?avec la réforme, le nombre de germanistes va augmenter au collège?. Quant à l'apprentissage de l'allemand au CP, les pourfendeurs de la réforme affirment qu'il est pour l'instant utopique, les instituteurs n'y étant pas formés.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire